jeudi 20 novembre 2008

Rabiatou Njoya : " Les faits culturels ont la peau dure "

Invitée à la 1ère édition du Carrefour international des cultures anciennes et contemporaines de Kribi (Cicack), la princesse des Bamoun a délivré une conférence sur le thème " L'ancien et le nouveau ". Elle s'en explique davantage.



Entre cultures anciennes et cultures modernes, un pont ne serait-il pas assimilable à l'acculturation ou à l'assimilation ?

Je dois d'abord relever que la querelle entre anciens et modernes a toujours existé. Elle n'est spécifique d'aucune nation. Chaque société des hommes, du fait des clivages des générations successives, a son lot de malentendus entre le traditionnel et le moderne.

La culture traditionnelle moderne résulte des emprunts que nous adaptons à notre manière. Notre culture traditionnelle devenue moderne apparaît parfois comme du copiage. Ce qui est traditionnel pur et dur est l'héritage de nos patriarches, c'est ce que nous devons préserver intact. Mais il ne faut pas oublier qu'à la différence des Ntic, les faits culturels ont la peau dure. Les recherches ont prouvé qu'il faut un minimum de 30 ans pour passer d'un fait traditionnel à un autre, alors que la science évolue de façon rapide et imprévisible. La culture africaine moderne serait donc une symbiose entre ce qui est africain et ce qui est moderne, avec une tendance à rejeter au maximum ce qui est traditionnel. Face à ce clivage, doit-on rompre avec le passé ou établir un terrain d'entente ? La culture traditionnelle a ses points faibles tels que le veuvage et ses rites abjects et inutiles. Elle a aussi ses points forts, exemple : l'organisation traditionnelle des chefferies, qui n'a rien à envier à l'Occident ; les rituels du mariage, qui mettent en exergue la valeur de la personne humaine en Afrique plus qu'ailleurs.

L'Afrique, à terme, a-t-elle une chance de s'imposer lorsque, à l'observation, la culture la plus technicienne l'emporte presque toujours sur la moins outillée ?

Tout dépend de l'organisation de nos structures traditionnelles, par exemple. Pendant la colonisation, l'administration française avait déjà remarqué que dans le Noun, le sultanat était tellement structuré que vouloir le détruire entraînait un phénomène de rejet. C'est tout dire ! Par ailleurs, je connais un musicien qui joue de la musique traditionnelle avec des instruments modernes. Il ne faut pas oublier que les Blancs ont aussi pris des choses chez nous. Dans la médecine par exemple, ils viennent prendre nos écorces pour fabriquer des molécules. Ce qui leur échappe, c'est le côté mystique et métaphysique. Et certains d'entre eux se font initier.

Par rapport à des manifestations culturelles telles que le Cicack, quelle solution pour qu'elles soient mieux organisées ?

D'abord, il faut les encourager. Ensuite, il faut dresser une liste pour les recenser et leur donner une périodicité fixe et définitive. Il faut déterminer leur lieu de déroulement, désigner les maîtres d'œuvre pouvant les épauler en termes de formation et de logistique, associer tous les opérateurs culturels devant intervenir, y compris les touristes. Enfin, que ces manifestations soient budgétisées, et que les financements arrivent à temps, pour que cela ne ressemble pas à de l'aumône.

Écrit par Jean Marie Mollo Olinga

http://www.lejourquotidien.info/index.php?option=com_content&task=view&id=1491&Itemid=62

Aucun commentaire: