jeudi 27 novembre 2008

Merci : La résurrection du trépignement

Le dernier album de Tsimi Toro tire son charme au retour qu'il fait vers le Bikutsi originel.
La dernière livraison discographique de Tsimi Toro ne passe pas inaperçue. La preuve, le créateur de "Merci" a été élu, grâce à cet album, "meilleure inspiration et Prix du public" lors de la récente édition du Festi Bikutsi qui s'est tenu au Camp Sonel de Yaoundé du 10 au 15 novembre 2008. Si sa pochette n'est pas particulièrement réussie genre coffret solide en métal, son côté artistique est incontestable. De part et d'autre, Tsimi Toro qui affirme avoir acquis de la maturité, a les mains jointes en signe de recueillement. L'image contraste cependant avec sa casquette retournée et vissée sur le crâne.

Constitué de huit titres, "Merci", véritable hymne à l'amour, donne à danser ainsi qu'on le voit depuis la sortie du produit à la fin du mois de septembre 2008. Loin du jeu des guitares si courant dans la version commerciale et apparemment dansante de ce rythme dont les tenants de l'heure sont Aï-jo Mamadou, Lady Ponce, Ayi Majoie et Tsimi Toro qui puise son inspiration dans les aires populaires des femmes dont les équipes communautaires dans les champs partageaient en chanson, les sévices, souffrances infligées mais aussi les nuits chaudes partagées, insiste comme dans ses livraisons antérieures, sur le trépignement. Ce jeu de pas qui a, depuis les origines fait la spécificité du Bikutsi.

Dans le premier titre qui a donné son nom à l'album, "Merci", l'artiste chante et prône la gratitude. Pour lui, tout bien fait doit être remercié. Un mot de cinq lettres qui fait le plus défaut dans cette société gangrenée par la médisance, la calomnie et l'absence de reconnaissance. Aussi passe-t-il en revue ses nombreux bienfaiteurs, pour la plupart ceux qui l'ont aidé à un moment ou à un autre de son parcours musical. Mais aussi à tous ceux, nombreux, qui l'ont assisté lors des événements malheureux comme le décès de son jeune frère. Dans ce morceau, le refrain véritable produit de sa cosmogonie, régal d'images et de symboles, fait de Tsimi Toro, un véritable parolier. Mais aussi le reflet d'une connaissance éprouvée de l'épopée. Dans un salut qu'il a adresse aux femmes pour leur œuvre de procréation, il salue le train qui abrite le siège à l'origine de la perpétuation de l'espèce humaine.

Raison pour laquelle, il le désigne (comme dans la version populaire composée et fredonnée par les femmes elles-mêmes), par des images comme "ikalit i zout yiiiii!" Ou encore, "ikatere à zout nyo". Traduction, "cette brouette de fesses!" Ou "ce bulldozer de fesses!" Ces dénominations de l'arrière train de la femme ne se font pas sans chicane pour celui qui demande à la femme ce qu'elle a apporté à son arrivée dans le ménage. Pour dire que le principal et plus important, reste et demeure le sexe de la femme qui servira pour la procréation. Sur la même lancée, Tsimi Toro soutient à la suite des femmes de son aire culturelle que passé l'étape de mise au monde des enfants dont elle participe à l'éducation, la femme peut se livrer à des plaisirs. Lorsque cette femme des environs du troisième âge, se rend au bar, difficile de lui rappeler les pleurs d'un enfant ni les jérémiades d'un mari jaloux.

Dans les autres titres, l'artiste rend hommage à son jeune frère Thaddée Messi, décédé dans un accident de circulation. Il rend témoignage et lui souhaite un heureux séjour éternel dans l'Aude-Là. Dans le même ordre d'idées, sa spiritualité lui impose de demander des prières pour l'apaisement de la famille du disparu. Par la suite "mayi boya" pose l'éternel problème de la condition humaine faite d'angoisse existentielle dans une société camerounaise où la misère traumatise l'homme. Tsimi Toro ne manque pas d'adresser un salut fraternel aux ressortissants de la Lékié dont il dit qu'ils sont brillants dans un reggae qui lui réussit plutôt bien. Il chante par ailleurs dans "Mama Chantal", les œuvres de l'épouse du chef de l'Etat, Chantal Biya.

Léger Ntiga

http://www.quotidienmutations.info/mutations/nov08/1227799306.php

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