Sur les chaînes internationales, les clips vidéo camerounais ont du mal à passer pour faute d'agencement.
Le débat avait été rude entre des journalistes basés à Douala et le Président directeur général du groupe Trace Tv Olivier Laouchez, qui a séjourné au Cameroun du 10 au 15 novembre dernier, sur le pourquoi de l'absence des clips camerounais sur cette chaîne internationale. Olivier Laouchez avait d'abord commencé à se défendre : " On diffuse régulièrement des clips d'artistes camerounais comme Krotal, Pit Baccardi, Yannick Noah ". Puis, comme habité par un désir de précision et de la vision du professionnel qu'il est, il a avoué autre chose. " C'est clair que nous militons pour que la qualité des clips continue à progresser. Nous avons des exigences qualitatives qui sont importantes et qui prennent en compte la qualité de la musique, la production, le potentiel du titre, la partie visuelle, les formats de captation de l'image", explique t-il. Discours qui a éteint les velléités patriotiques des journalistes et poussé à reconnaître qu'aujourd'hui, rares sont les clips vidéos camerounais qui répondent à ces standards.
Il suffit pour s'en convaincre de regarder les plages musicales à Canal 2 international, Crtv, Stv, Equinoxe télé, Ltm ou Arianne Tv. Il y a des images choquantes qui montrent et démontrent que l'originalité du clip réside dans le trémoussement du popotin des danseuses. D'autres donnent à voir un artiste qui dégouline de sueur, sans maquillage, ventre proéminent et qui a réuni amis et cousins autour de lui pour un clip bigarré et sans texture. Il y a enfin une dernière catégorie de clips où les artistes ne savent pas chanter et le rendu images est dégoûtant. La seule option en ce moment est de zapper.
On a de la peine à croire que c'est la même scène artistique qui a proposé dans le milieu des années 80 des clips attrayants comme ceux de M. Fragile, Govinal Dzinga Essomba, Elvis Kemayo, Star System avec le "Djé dance" et le mémorable Konkaï Makossa de Charlotte Mbango.
Dans ce dernier clip sur le déroulé de la musique, on voyait l'histoire de Chouchou qui voulait tromper la vigilance de ses parents, en rembourrant son lit avec des coussins, pour aller faire la fête. Sur Tv5, France 2 et 3 on retrouvait les clips d'Henri Dikongué, Sally Nyolo, Donny Elwood, les Nubians, etc. Puis le règne de la facilité est arrivé. "Vers la fin des années 90, les cadreurs ont pensé qu'ils pouvaient faire de la réalisation. Le clip ou ce qui s'est appelé ainsi est devenu une affaire facile qu'on tournait avec une caméra, deux lumières et 100.000Fcfa", explique Thomas Hankson, producteur artistique. La prolifération des petits studios de production, avec du matériel amateur et le besoin de se faire un nom en bradant le travail des professionnels, n'a pas amélioré la situation.
Affaissement
Du côté des artistes, on rejette la faute sur les producteurs. Pour Narc6 Prize : "le contrat de production prévoit que c'est le producteur qui s'occupe de la promotion de l'album de l'artiste. Ce qui inclut les clips et les passages dans les médias et autres espaces pour assurer la visibilité de l'artiste. Mais très peu respectent ces engagements et nous sommes souvent contraints de le faire".
Cependant, cela ne dédouane ni les artistes, ni les chaînes de télévision qui ne font pas la différence entre une chanson filmée et un clip où on assiste vraiment à une mise en scène qui raconte une histoire. Pour Antoine Junior Ekwalla de Ouatch Production " la faiblesse des clips camerounais réside dans la production d'un album qui doit créer un univers à l'artiste. La production doit donner un brief qui va avec le produit au graphiste pour la pochette, au photographe pour la photo et au réalisateur il remettra la charte de l'artiste.
Ce dernier ne pourra pas s'écarter de cette charte qui installe l'image de l'artiste dans la tête du public depuis que le producteur s'en occupe ".
Une démarche qui permet d'avoir une cohérence permanente entre l'univers, les codes et les attentes du public. Cela est un positionnement que l'on ne retrouve pas chez les artistes camerounais qui font du Bikutsi, le Makossa ou le folklore. Il faut cependant relever que dans cette navigation à vue, les artistes de la scène hip hop ont compris l'intérêt d'avoir un positionnement clair, militant, violent ou de rêve. Depuis trois éditions des Canal d'or ce sont eux qui remportent toujours le prix du meilleur vidéogramme. Notamment Xlm Squad, Rap conteurs, Sultan Oshimin, etc. Quand un clip est de qualité au Cameroun actuellement, comme c'est le cas avec celui de One Face qui passe en boucle sur Trace Tv, c'est qu'il vient de la scène hip hop. Pourtant, les artistes camerounais ont une richesse intéressante qui peut être mondialement reconnue, si elle rapproche du professionnalisme et des standards.
Marion Obam
http://www.quotidienmutations.info/janvier/1231378039.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire