jeudi 15 janvier 2009

Biographie : Ainsi était Jean-Marc Ela


Dans un livre paru en 1999, le défunt sociologue expliquait sa philosophie et le sens de son combat pour les pauvres.
De son vivant, Jean-Marc Ela avait fait montre à plus d'une fois et selon les circonstances de son "savoir encyclopédique". Un savoir qui puisait son essence dans cette thèse de théologie à Strasbourg sur Martin Luther. Ou encore sur cette expérience à Tokombéré dans la suite de Baba Simon, le prédicateur aux pieds nus. Il reposait sur deux piliers essentiels à savoir la théologie et la sociologie, le tout relié aux pauvres comme le démontrent ses œuvres et ses actes.

De tous les ouvrages, au demeurant fort nombreux, cette somme d'entretiens semble le moins érudit et s'efforce de clarifier les positions qui auront été les siennes toute sa vie durant. Une vie qui a commencé dans les années trente au sein d'une famille de neuf enfants. Une vie communautaire qui lui aura "appris à deviner le monde" et à exercer son intelligence avant d'aller poursuivre ses études à Edéa puis au séminaire d'Akono puisqu'il s'est destiné très tôt à la prêtrise.

Puis viendront les études supérieures à Strasbourg où il croisera la route de son maître à penser Henri Lefèbvre qui lui apprendra notamment que "l'homme est un être de chaque jour". C'est alors qu'il réalise que la quotidienneté est "le lieu par excellence où (l'on apprend) à découvrir la vie sociale". Avec le bagage ainsi engrangé et auquel l'on peut ajouter la fameuse sociologie des objets chère au Pr. Abraham Moles, le sujet Ela était paré pour les années à venir dans le domaine de la sociologie.

"Monde d'en-bas"
Une vie de sociologue qui s'appuiera sur le contact de l'Afrique "là où elle s'invente, à partir de ces bricolages qui forment en quelque sorte le tissu de notre vie sociale". Car le "développement est ce qui se passe dans la tête des gens (…) Le véritable développement n'est possible que dans les lieux de l'existence où, par leur savoir-faire les gens réinventent le quotidien". C'est pourquoi dans le contexte africain, le problème est celui "de savoir si, face aux contraintes économiques qui sont incontournables, nous ne devons pas revoir notre rapport à l'argent afin que tout ce qui relève de la parenté ne soit pas nécessairement un obstacle à l'accumulation." Une conclusion à laquelle il est parvenu après un séjour de 14 ans dans les montagnes du Nord Cameroun, où il a expérimenté sa fameuse théorie de "la théologie sous l'arbre".

Un concept qui repose sur le fait que "le théologien africain doit parler de Dieu à partir du lieu où la parole de Dieu nous trouve", et qui rejette ce christianisme occidental à l'apparence plutôt désincarné, "intégré à un système de domination dans lequel Dieu risque d'être capturé par les forces qui nous oppriment". En clair, c'est à une lecture de la bible avec les yeux d'Africain que nous invite le sociologue. Puisqu'elle n'est rien d'autre que le "récit d'une libération depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ". Un Dieu dont la crucifixion a beaucoup parlé au prêtre Ela.
C'est pourquoi il dit "pour repenser le message du christianisme, il fallait considérer que la croix est non seulement un instrument d'humiliation de Dieu en Jésus-Christ, mais aussi un instrument de lutte pour la libération de l'homme." Un homme qui appartient à ce "monde d'en-bas", "lieu par excellence des innovations et des dynamiques imprévues qui rappellent au monde d'autres manières de vivre que celle de la compétitivité". Le tout dans une banalité qui rend l'espoir à Jean-Marc Ela, à condition qu'un "Etat de droit se mette en place et que la démocratie s'inscrive dans les manières de gouverner, de penser et de vivre."

Parfait Tabapsi

http://www.quotidienmutations.info/janvier/1231993095.php

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