mardi 4 mai 2010

Rodrigue Ndzana : Un slameur chez les poètes


L’écrivain de 27 ans avoue n’avoir jamais lu un recueil de poèmes. C’est un personnage atypique que le public venu assister au café littéraire organisé par l’Association des écrivains de langue française section Afrique-Centrale (Adelf-Ac) a découvert mercredi dernier au Centre culturel français de Yaoundé.
En effet, rien en Rodrigue Ndzana, l’auteur du recueil de poèmes « Je t’aime en splash » paru en 2009 aux éditions l’Harmattan, ne laisse deviner ce côté lunatique que l’on prête aux poètes. Sa mise vestimentaire et sa gestuelle le font plutôt passer pour un rappeur. C’est pourtant dans le monde de la poésie que l’écrivain a décidé de promener la silhouette athlétique de son 1m86.

Venu à la poésie par « hasard », Rodrigue Ndzana a, depuis, pris goût et entend trouver sa place dans le cercle fermé des grands poètes camerounais. C’est véritablement en 2004 que l’envie d’écrire le prend. Alors qu’il est en convalescence à la suite d’un accident domestique, le jeune écrivain se trouve obligé d’écrire pour canaliser son envie de bouger. Féru de musique et pas du tout intéressé par la poésie (il avoue d’ailleurs n’avoir jamais lu un recueil de poèmes), Rodrigue Ndzana commence par exprimer sa vision positive de la vie à travers le slam. Une poésie orale, urbaine, déclamée sur un rythme scandé, et en public. Il travaille notamment avec le collectif des slammeurs la « Fraz slam». Au fil du temps, ses textes de slam deviennent matures. L’écrivain s’étant imprégné des procédés stylistiques tels que les métaphores, l’anaphore ou encore les acrostiches. Mais, sans pour autant nourrir de gros rêves.

D’ailleurs, selon lui, sa rencontre en 2008 avec les éditions l’Harmattan est due au hasard. « Je passais devant le siège de la maison d’édition. J’ai appris qu’ils recherchaient des manuscrits. J’ai donc déposé le mien. Plus tard, l’Harmattan m’a appelé pour me dire que mon manuscrit avait été retenu ». En 2009, il contacte l’Adelf-Ac que dirige l’écrivain Pabé Mongo. L’Adelf-Ac apprécie la qualité de son travail et l’aide à tracer son chemin dans l’univers des mots. A travers l’organisation des cafés littéraires où il est présenté au public.
Dans son recueil de poèmes « Je t’aime en splash », Rodrigue Ndzana magnifie l’amour. Très optimiste quant à sa vision de la vie, le jeune auteur pense que l’amour est synonyme de paix et de prospérité. Fortement imagés, les textes de Rodrigue Ndzana font recours aux métaphores et acrostiches pour captiver le lecteur. Selon Pabé Mongo, Rodrigue Ndzana possède une plume « vive et séduisante ».

Cinéma : Un film camerounais annoncé

Le réalisateur Ikome Efokwa Wegmuller a fait part de la sortie de son premier film vendredi dernier.

La conférence de presse du 30 avril dernier à la Fondation Salomon Tandeng Muna s'est présentée en une véritable avant-première du film "Not my will". L'assistance a pu visionner un extrait de ce qui pourrait être un aperçu des dangers auxquels sont confrontés les jeunes, surtout en milieu universitaire à Molyko, à Buéa. Richesses mal acquises, mode de vie fastueux, vols, agression, insécurité, etc., les penchants que la morale sociale réprouve y sont passés au crible. "Not my will" du réalisateur Ikome E. Wegmuller est aussi une espèce de concert de musique, un mélange de voix tantôt suaves, tantôt rauques, d'acteurs sélectionnés avec minutie.

Le jeune Camerounais qui est à l'aube des ses 29 ans, tire son inspiration de faits de la vie courante: "Nous avons voulu rendre ce film le plus réel possible, tant au niveau du style vestimentaire que des comportements. Je me sers de tout ce que j'observe autour de moi", confie-t-il. Pour l'actrice principale, Nalo, de son vrai nom Christa Eka, "Ce projet, nous l'espérons, permettra de révéler le talent des jeunes Camerounais". Même si l'on relève encore quelques couacs au niveau de la fidélité du son, notamment des scènes tournées à l'extérieur, il est difficile de rester indifférent aux efforts fournis par ces jeunes dans la production de ce long métrage.

"Nous n'avons pas vraiment mis un accent sur ce que cela nous rapporterait, car notre objectif était celui de satisfaire le public", a relevé le responsable marketing, Laye Mbunkur. Le tournage qui a démarré en 2008, a connu les paysages du Cameroun, du Nigéria, et de l'Angleterre. Sur les questions de la provenance du budget de cette production, Ikome E. Wegmuller reste énigmatique: "C'est un mystère, parce que nous avions un certain budget. Mais, nous avions aussi une main divine à nos côtés". Rien n'a pour autant été laissé au hasard. L'affiche du film à elle seule flatte la vue.

Vêtue d'un tailleur sobre-contrairement à celle qu'elle arbore pour le film- l'actrice principale crève l'image par son regard mi-enfantin, mi-aguicheur.
En fond d'image, on peut reconnaître six autres acteurs, tenus de part et d'autre, dans des tenues tout aussi discrètes.Une renaissance du septième art? Il y a des chances. Mais sous d'autres cieux, sans doute, quand on sait combien le Cameroun manque de salles de cinéma à grand écran. En attendant une adaptation cinématographique à grande échelle, un producteur Camerounais, Chi Chi Ladislav, semble optimiste: "Nous avons en vue une adaptation cinématographique du film. Pour ce faire, nous allons programmer des diffusions dans les salles du Ccf, et du Goethe institut". En somme, "Not my will" comme cela est indiqué en surtitre, il "vaut mieux être attentif à la façon dont on vit, car un jour, vous mourez".

Marie-Laure Soppo (stagiaire)

lundi 3 mai 2010

CORRY DENGUEMO :« NOUS AVONS GARDÉ L’ESPRIT ROOTS »


La chanteuse de Macase parle du nouvel album du groupe.

Depuis quand votre album est-il sorti ?

L’album s’intitule Fly away. Mais, en ce moment, le titre avec lequel nous faisons la promotion est ‘Edin’. L’album a douze titres avec un bonus trac qui fait office de treizième morceau. Il est sorti depuis le 25 février dernier. C’est le troisième album des Macase. C’est vrai qu’on met beaucoup de temps pour sortir nos albums. Le dernier était en 2002. Donc, on a quand même mis huit ans entre les deux albums. Nous sommes actuellement à la phase promotionnelle, le projet est de faire le tour du Cameroun ; déjà faire connaître l’album au grand public parce que cela fait longtemps qu’on n’est pas sur la scène. Il y a forcément des enfants qui sont nés entre temps. Il faut rafraichir les mémoires.

Quels messages véhiculent les différents titres ?

Les titres parlent de tout, de nous-mêmes, de la vie. Je vais prendre l’exemple du titre ‘Mayem’, qui veut dire je sais, je sais ce que je fais, je sais où je vais. Ce titre est comme une autobiographie, une façon de dire qu’on ne se perd pas ; il y a des boulots qui prennent beaucoup de temps pour porter des fruits. Le plus souvent, lorsque tu fais quelque chose, certaines personnes te prennent pour un fou, alors que tu sais ce que tu fais, où tu vas. Donc, on dit aux gens de ne pas perdre espoir parce que des fois, il y a des moments de blues, des moments où on se perd et se demande si on est sur le bon chemin. Il faut juste tenir le coup parce que, quand on a commencé, on ne va pas s’arrêter là pour recommencer ailleurs, parce que là, ça perd le temps. Il y a également des titres comme ‘Melo’ qui parle des jeunes filles têtues, qui ne veulent pas écouter les autres et vont de gauche à droite. A la fin, elles ne savent plus qui est le père du bébé. Il y a ‘Esié’ qui parle du boulot. C’est un gros point d’interrogation face aux milliers de jeunes diplômés qui ne savent pas quoi faire avec leurs diplômes. Le titre de l’album ‘Fly away’ parle de ces jeunes qui pensent toujours que l’eldorado est de l’autre côté, ils vont et rentrent bredouilles. Et ils se rendent compte qu’ils ont perdu beaucoup de temps à penser que l’autre côté était mieux pour eux. ‘Bongo’ parle des enfants de la rue, il y en a qui ont des histoires poignantes et ont juste besoin d’aide, il ne faut pas juste les cataloguer et se dire que c’est des perdus. En fait, les titres amènent les gens à prendre conscience.

Pour le rythme, explorez-vous aussi d’autres sonorités ?

Quand on crée généralement, on ne cherche déjà pas à faire tel ou tel rythme. Ça dépend de la sensibilité qu’on a au moment où on crée une chanson. C’est-à-dire qu’on chante sans vraiment savoir si ce sera du bikutsi, du makossa ou autre chose. Donc, on chante et le batteur essaye de trouver quelque chose qui va avec le style de la mélodie. On va trouver plusieurs rythmes dans cet album, mais on est resté typique, c’est-à-dire qu’il y a toujours ce côté roots. On sent toujours qu’on vient de quelque part, du Cameroun. C’est un album ouvert qui est la continuité des albums de Macase.

Le départ de quelques membres du groupe vous a-t-il affecté ?

Henry Okala et Blick Mbassi sont partis. Lui s’occupe un peu du groupe Macase en Europe, bien qu’il ait sorti un album solo qui marche bien d’ailleurs. Henry Okala a également sorti son album il n’y a pas longtemps ici, au Cameroun. Je dirai qu’au début, cela nous a un peu affecté. Ce qui est normal, puisque Macase est un peu comme une famille. Mais on s’y est fait. Le noyau dur est resté. La preuve, on n’a pas rajouté d’autres membres parce qu’il y a déjà un esprit Macase. S’il faut ajouter quelqu’un, il va falloir chercher à connaître la personne. On a préféré rester cinq pour garder l’esprit qui y est déjà. Nous gardons de bonnes relations avec ceux qui sont partis parce que c’est tout à fait légitime que quelqu’un veuille voler de ses propres ailles tout en ayant le soutien des autres.

Macase a déjà un nom, cela veut-il dire que vous n’avez eu aucun problème à trouver de producteur ?

L’album est produit par Macase. On a décidé au départ de le faire nous-mêmes. C’est pour cela qu’on a pris justement plus de temps. On est allé doucement, avec les moyens qu’on avait, on n’a pas voulu courir. Et puis, on s’était mis en tête qu’au Cameroun, de toutes les façons, il n’y a pas de producteur.


Écrit par Propos recueillis par P.N.

http://www.lanouvelleexpression.info/index.php?option=com_content&view=article&id=251:corry-denguemo-l-nous-avons-garde-lesprit-roots-r&catid=37:culture&Itemid=90

samedi 1 mai 2010

Yaoundé : La danse peut-elle contribuer au développement du Cameroun?


L’université de Yaoundé II a abrité hier, 29 avril 2010, un colloque international sur la contribution de la danse au développement du Cameroun. Organisé par l’association Meka dans le cadre du festival international de danses et percussions dénommé
« Abok i Ngoma » ce colloque a été l’occasion pour enseignants, artistes et journalistes de voir comment cet art peut contribuer à l’essor de notre économie.

Réactions

Jean Tabi Manga, recteur de l’université de Yaoundé II : « Nous voulons créer une licence en économie culturelle»

La culture dans tout pays est le lieu par excellence de la définition, de la promotion et de la préservation de l’identité nationale. La danse ne peut pas être considérée comme du folklore. C’est un objet de recherche. C’est un métier très ancien qui a donné la possibilité à plusieurs pays de se construire. On ne comprend pas que le Cameroun ne puisse pas financer sa culture, soutenir ses artistes, bref soutenir les politiques culturelles… Les Etats-Unis et le Canada, par exemple, tirent énormément profit de leur culture à travers le cinéma, la musique, la danse… Si nous arrêtons le financement de nos produits culturels, cela veut dire que nous acceptons la perte de notre identité culturelle, y compris nos danseurs. Il faut renforcer le cadre juridique de notre art. L’université de Yaoundé II va créer une licence et une maîtrise en économie de la culture dans un avenir proche pour des besoins de professionnalisation et de création de richesse.

Jean-Claude Awono, écrivain : « Commercialiser notre danse »

La danse est un invariable culturel important dans le développement, non pas forcément de l’univers économique, mais, de l’individu. Il n’y a pas de développement économique sans, au préalable, un développement humain. Or, pour le poète, la danse est un élément d’identité. Par la pratique de la danse, par la professionnalisation de cette discipline artistique, on peut arriver à gagner sa vie et animer des secteurs de la vie. Ce festival (Abok i Ngoma) réunit des danseurs qui viennent des quatre coins du monde. C’est un plateau intéressant qui nous permet de voir combien est-ce que l’industrie de la danse peut être bénéfique pour le développement de notre pays. Il faut commercialiser notre danse, la vendre à travers des festivals internationaux et amener des étrangers à venir au Cameroun pour faire rentrer des devises et valoriser nos instruments de musique qu’on peut également commercialiser.

François Bingono Bingono, journaliste : « Le développement de l’Afrique ne viendra jamais de l’Occident »

Celui qui danse est en relation avec le monde cosmique où vivent nos ancêtres. On va me demander où est la relation avec la danse et le développement ? Chez les Négro-Africains, on connaît la place que jouent les ancêtres. Quand on a des problèmes en ville, on nous dit, rentre au village te « laver », c’est-à-dire, rentre te réconcilier avec tes ancêtres. Le développement de l’Afrique ne viendra jamais de l’Occident. Il viendra des Africains eux-mêmes. Mais, il faut voir qu’est-ce qui était le fondement de notre développement. C’est justement les liens avec nos ancêtres, c’est-à-dire avec nos morts. Or, pour rester en communication avec les morts, la danse est un élément incontournable. Si l’Afrique veut donc se développer à sa manière, c’est-à-dire dans le strict respect des cultes ancestraux qui nous lient à nos morts, nous sommes obligés d’utiliser la danse pour que cette communication ait lieu. Chaque arbre ne peut se développer qu’à partir de ses propres racines. Si le Cameroun veut se développer à partir de ses propres racines, il doit rentrer dans l’ancestralité.

Daniel Anicet Noah, enseignant : «Le Cameroun peut vendre des créations artistiques»

Dans les industries immatérielles telles que les émissions de radio, de télé…, la danse est un produit qui structure la communication et qui peut se vendre comme tel. Il ne s’agit pas des danses folkloriques mais de la danse qui est une œuvre chorégraphique. Il faut professionnaliser davantage nos danses. Les Chinois tournent à travers le monde avec des chorégraphies composées. J’ai fait une communication sur la danse de l’assiko qui est une danse de la côte africaine depuis le Ghana jusqu’à Douala au Cameroun et à l’intérieur de la côte. C’est une sorte de structure à partir de laquelle je peux reconstituer un imaginaire qui peut faire la matière des créateurs et des compositeurs chorégraphes. On peut faire un art assez structuré comme l’assiko et le transformer non pas comme une œuvre ethnique et communautaire, mais plutôt une création artistique que le Cameroun peut vendre.

Théâtre : Rester attaché à ses racines ou s’occidentaliser ?


C’est le dilemme que décrit la pièce «Aller sans retour», qui a été représentée samedi dernier à Baham. C’est massivement que les habitants de Baham ont assisté à la première représentation de la pièce de théâtre intitulée « Aller sans retour »,
samedi 24 avril 2010 au foyer municipal Baham. La pièce raconte l’histoire de trois Camerounaises qui décident d’aller chercher fortune en Europe. Arrivées en France, les trois jeunes femmes vont à la découverte de la ville, en attendant de décrocher un éventuel emploi. Elles ont pour guide «une sœur du village» qui vit à Paris depuis plusieurs années. Elles seront d’ailleurs surprises de constater que cette dernière parle et agit comme les Occidentaux. La visite guidée de la ville européenne s’illustre comme un échange entre les Africaines accrochées aux valeurs culturelles du continent noir et l’Africaine « européanisée» qui trouve que le vieux continent dispose de meilleurs atouts culturels du monde, avec la mondialisation qui y est concentrée.

Pour concocter cette pièce qui a tenu en haleine la centaine de spectateurs qui ont assisté à sa représentation, l’acteur et réalisateur camerounais Tchoko Tchoko et le musicien français DJ Rys. Sadefo Philippe, le promoteur de ce spectacle et président de l’Association des ressortissants Baham de France, explique que ce spectacle avait pour but de faciliter les échanges culturels entre des jeunes des deux continents. «Cela permet à ces jeunes qui sortent de deux milieux différents de se découvrir et de se comprendre, sans a priori. C’est une action d’échange culturel qui entre dans le cadre d’un partenariat entre la commune de l’Hay des roses en France et la municipalité de Baham au Cameroun».

Droit d’auteur: Des journalistes et animateurs à l’école

L’amphithéâtre de l’Ecole des sciences et techniques de l’information et de la communication (ESSTIC) a abrité samedi 24 avril 2010 un séminaire de formation des journalistes et animateurs culturels sur le droit d’auteur. Organisé par l’association Meka en prélude au festival de danses contemporaines et de percussions baptisé «Abok i Ngoma», ledit séminaire a drainé une brochette de professionnels de la plume et du micro. Pendant huit heures ponctuées par des exposés riches, les séminaristes ont pu en plus d’acquérir une meilleure connaissance de l’environnement culturel camerounais, en savoir davantage sur ce qu’est véritablement le droit d’auteur ainsi que sa gestion dans un pays où ce concept est comme jeté en pâture à des personnes qui s’autoproclament experts dans la maîtrise de ses contours.
Pour planter le décor, c’est le représentant du président de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) qui s’est chargé de redéfinir la propriété intellectuelle, ses branches, son rôle et ses cibles. L’on apprendra donc de son discours liminaire que s’il y a fréquemment des incompréhensions dans la gestion des droits d’auteurs et droits voisins, c’est pour la simple raison que les usagers ignorent parfois le rôle qui est assigné à chacune des structures intervenant dans la chaîne allant de la création jusqu’à la promotion et l’administration de l’œuvre. Le Dr Christophe Seuna dont le thème de l’exposé reposait sur le droit d’auteur et le droit voisin a quant à lui expliqué aux séminaristes que ces deux entités loin d’être de simples faveurs que l’on fait aux artistes, représentent un poids dans l’économie d’un pays. Prenant pour exemple les Etats-Unis, le titulaire de la Chaire de l’UNESCO a également rappelé que si les créateurs camerounais ont encore du mal à cerner la gestion des droits voisins c’est en partie parce que le Cameroun n’a pas ratifié la Convention de Rome y afférant. Dans ce décryptage, Dr Seuna en a profité pour succinctement présenter aux séminaristes quelques droits économiques (droit de commercialisation, droit de transformation…) L’un des thèmes qui aura marqué la journée est celui de « l’information culturelle dans les médias camerounais et les contraintes éthiques et déontologiques » qu’a présenté le Dr Augustin Charles Mbia. De l’échange fructueux avec les journalistes et les animateurs, l’on a retenu que ce sont certains enjeux inavoués et le pouvoir de l’argent qui favorisent les dérives déontologiques devenues légion dans les deux corps de métiers plus haut cités. La véritable critique d’art sonnant aux abonnés absents, juger de la qualité d’une œuvre littéraire ou artistique s’apparente aujourd’hui à des louanges à l’endroit de son créateur. C’est pour éviter de verser dans ce «griotisme» que « les journalistes doivent se former afin d’expliquer aux profanes la gestion et le fonctionnement des droits d’auteurs », a recommandé l’enseignant de l’Esstic.

Estimant que leur corporation souffre aujourd’hui d’un certain manque de crédibilité, les animateurs ont émis le vœu aux différents modérateurs de se voir attribuer dans un futur proche un statut qui favoriserait pensent-ils, quelques égards de la part de la société à leur endroit.

Par CHRISTIAN.TCHAPMI | Jeudi 29 avril 2010 | Le Message

http://www.lemessager.net/2010/04/droit-d’auteur-des-journalistes-et-animateurs-a-l’ecole/

Des artistes en herbe se donnent à voir à Douala

Sodiko. Bourgade située vers la sortie Ouest de Douala était en ébullition samedi 24 avril 2010 à la faveur d’un concert de musique en live organisé sous l’égide de l’Association femmes et conseils (AFC). A l’occasion, la cour du Collège d’enseignement secondaire (CES) de ce bled perdu, a servi d’arène culturelle à un show qui a eu le mérite de faire sortir les populations de leur torpeur rurale habituelle. Une vingtaine d’artistes aux talents à l’état brut, en réalité de jeunes gens déscolarisés dont l’âge oscille entre 15 et 30 ans, s’est succédée sur le podium de fortune. C’est qu’à l’issue de cinq ans de dure labeur dans les structures partenaires de l’AFC, notamment à Genesis situé à la rue Kotto à Déido, les vedettes montantes voulaient montrer ce qu’ils avaient dans les tripes.
Ainsi, sous la houlette inspirée de l’orchestre dénommé Universal soul ngosso love, (au piano Papso, à la guitare rythmique Farence Mayem, la guitare solo Henry Bémol et au chœur Reno.j et Abel) les étoiles en puissance de la musique camerounaise ont baladé un public jeune sur plusieurs airs. La world music aura ravi la vedette aux productions locales. Les mordus de ce genre musical, en l’occurrence la jeunesse, ne se sont point ennuyés. De la soul au Rn’b en passant par le zouk, le rap et autre techno, tout y est passé. Les mordus de la musique africaine pure et dure n’ont pas été les enfants pauvres. Le groupe First class show a interprété au grand bonheur des fans en liesse, des titres de Sergio Polo, Longuè Longuè et son kirikou qui continue de faire fureur, la rhumba de Fally Ipupa alias Dicap la Merveille. Dans les détails, Reno.j dans le civil connu comme Atangana Hilaire Patient, âgé de 28 ans, auteur compositeur, à travers deux titres exécutés avec maestria, a montré à quel point il est doué dans la soul. Mes gosses, première chanson qui ouvre son passage sur la scène est une invite à l’adresse des parents afin que ceux-ci soient plus responsables, plus enclins à encadrer leur progéniture qu’ils laissent parfois à la merci du brigandage et de la prostitution.

Reno.j a également rendu un vibrant hommage à la mère de l’humanité. La Femme a été un clin d’œil que le jeune chanteur fait à l’endroit de la gent féminine, victime des préjugés. Abel s’est illustré dans un mélange qui n’est pas allé sans rappeler les jumeaux du Masao. Je ne suis qu’un homme, j’ai déconné en featuring avec Kerl.K (Yintsop Raphaël Lewis, 23 ans) ont été salués par une foule au bord de l’extase. Zanny, dans un zouk à la Pierrette Adams a émerveillé avec son sugar honey, salué à sa juste valeur par un tonnerre d’applaudissements. Antanasus avec son reggae tonique, Mayem François Cyrille et son Otakisse, qui signifie en duala tu as dérangé, dans un bolobo éclectique et plein d’autres jeunes ont démontré qu’ils ont de gros potentiels.

Un cadre d’épanouissement

Pour la présidente de l’AFC Ganze Eléonore, le concert de musique des talents en herbe a eu pour mobiles de «présenter le travail abattu depuis cinq ans. Il s’est agi d’une formation professionnelle dans divers domaines comme la musique, la couture, la menuiserie, la transformation des produits naturels, l’agriculture…Notre ambition a été celle d’amener les jeunes à combattre le désoeuvrement par l’initiation à divers métiers de l’art. Tout ceci dans le droit fil de leur socialisation», a-t-elle affirmé. Pour atteindre ses nobles objectifs, Ganze Eléonore et son équipe n’ont pas évolué sur du velours. Des écueils qui ont pour noms l’insuffisance des moyens financiers, logistiques et matériels, l’absence des subventions venant des pouvoirs publics ou d’autres organisations, la difficile communication avec les jeunes…ont failli tordre le cou d’une entreprise louable qui a besoin d’être soutenue.

En tout cas, Ganze n’entend pas baisser les bras. Elle jure la main sur le cœur de poursuivre le cycle de formation par la mise sur pied des centres de formation à Sodiko car il s’agit de trouver un cadre d’épanouissement aux enfants vulnérables. A voir…

Par ALAIN NJIPOU | Jeudi 29 avril 2010 | Le Messager

http://www.lemessager.net/2010/04/des-artistes-en-herbe-se-donnent-a-voir-a-douala/

Marco Mbella chante le «Cameroun indépendant»


Alors que l’opinion publique et nombre d’intellectuels n’ont pas fini d’ergoter sur la nécessité de revisiter l’hymne national du Cameroun en le décolonisant, l’artiste Marco Mbella, passe de la parlote à l’acte. Un single intitulé Cameroun indépendant qui rassemble plusieurs artistes des différentes régions du pays, rend hommage aux héros nationaux, artisans du combat en vue de l’affirmation de notre souveraineté acquise, il y a cinquante ans. Cette production qui ambitionne de promouvoir l’intégration nationale, arrive dans un contexte de célébration officielle du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun dont le clou des festivités est programmé pour le 20 mai prochain. Dans cette perspective, Marco Mbella et une quinzaine de ses collègues chantent dans les langues officielles (anglais et français) mais aussi dans nos langues locales. Y a-t-il, un symbole d’unité nationale aussi fort qu’une chanson cadencée, révélatrice du substrat culturel et linguistique du pays?
En tout cas pour Marco Mbella Cameroun indépendant participe de «la volonté de développer une synergie autour d’une célébration historique. Si les organisateurs du cinquantenaire n’ont pas pensé créer une œuvre, une chanson, en guise d’hymne, ils peuvent s’approprier Cameroun indépendant ». A-t-il déclaré, mardi 27 avril 2010, lors de la cérémonie de présentation du single aux chevaliers de la plume à Douala. Après Les fleurs des Antilles en 1997, (un titre qui avait connu un succès retentissant), où Marco Mbella a eu le mérite de rassembler autour de cette chanson la crème d’artistes camerounais, le père de Marco ambiance, a remis au goût du jour une recette qui marche. Ainsi plusieurs générations de chanteurs ont accepté placer leurs voix et leurs images dans un single qui fera date. André Marie Tala, Anne Marie Nzié, Marthe Zambo, Jean Bikoko Aladin, Sam Fan Thomas, Ange Ebogo Emerand, Sallè John, Dina Bell, Bebe Manga, Beko Sadey, Claude Ndam, Chantal Ayissi, Nicole Mara, Belka Tobis, Germaine Ebelle, Prince Afo Akom, Rantanplan et les autres accompagnent Marco Mbella dans une aventure musicale dans l’air du temps.

Album de 8 titres…

En réalité, le single de Marco Mbella atterrit dans les bacs après un passage à vide de la star du makossa, qui remonte à 2002 avec l’entrée dans le marché discographique de Abélé Lions, son troisième album. L’artiste n’a pas eu besoin de gants pour justifier ce silence assourdissant. «Mes activités professionnelles à AES-SONEL (il est sous-directeur de la planification financière et analyses, Ndlr) ne m’ont pas souvent laissé le temps de réaliser mes projets musicaux et donc d’être présent tout le temps sur le marché discographique. Je remercie AES-SONEL pour son intention de m’accompagner, en tant qu’entreprise citoyenne, dans le lancement de la chanson «Cameroun Indépendant» qui n’est plus l’œuvre de Marco Mbella seul, mais de l’ensemble des Camerounais».

Le single Cameroun Indépendant est un prélude à la sortie d’un quatrième album de 8 titres aux rythmes divers où l’on retrouvera le slow, l’abele, le makossa, le rap, le zouk, l’ambass-bey. Annoncée dans les bacs en fin du mois de mai, la production de cet opus est signée Marco Mbella lui-même et la distribution assurée par JPS production.

Par ALAIN NJIPOU | Jeudi 29 avril 2010 | Le Messager

http://www.lemessager.net/2010/04/marco-mbella-chante-le-«cameroun-independant»/


mercredi 28 avril 2010

Annie Anzouer : « J’aimerai toujours mon héros bandjounais »


Si on commençait par parler de vous, on sait que vous êtes née dans un village dont le nom aurait été déformé par les Allemands. Est ce vrai ?
(Rires) Oui, comme la plupart des villages en Afrique ! Loulè Dorf dont « loulè », était le nom du chef du village et « Dorf » en allemand veut dire village. Ce qui signifie alors le village de Loulè .Ils avaient trouvé « Loulè » trop compliqué ils ont dit « Lolo » ce qui a donné Lolodorf dans le département de l’océan, région du Sud

Parlons de votre enfance était- ce une enfance facile et quelle profession exerçait vos parents ?
Je suis arrivée au monde pendant que ma mère était encore élève au lycée, je suis venue un peu perturber le cours normal des choses, car son père souhaitait qu’elle aille après son Bac en France, parce qu’elle était très intelligente à l’école. Mais je suis arrivée et cela a tout bouleversé. Son papa était préfet à l’époque et il fut furieux de voir sa fille tomber enceinte si précocement .C’est lui qui m’a donné le nom Anzouer, qui veut dire chez nous: quelque chose d’immense. Il a ajouté des prénoms : Annie, Denise, Olga Rita, Delacote mais je n’en ai gardé que deux.

Peut-on alors dire que votre enfance a été aisée, puisque votre grand père était tout de même une notabilité ?
En fait, je n’ai pas trop de veine parce que lorsque j’arrive, il s’en va à la retraite et il avait beaucoup d’enfants. C’est donc ma grand-mère qui m’a chouchouté.

Est ce à dire que cela a été difficile ?
Oui, la situation était gérable lorsque ma grand-mère a été avec nous à Eseka. Elle nous gardait, mais à un moment, elle ne pouvait plus et elle est rentrée vivre au village .Le village se situe entre Lolodorf et Eseka…

Pendant ce temps ou se trouvait votre mère ?
Ma mère est rentrée à l’école. Elle restait à Yaoundé.

Quel était le rapport entre votre famille et le milieu musical ? Y avait-il des musiciens dans la famille ?
Il me souvient que quand j’étais petite, mon grand père me demandait souvent de chanter des chansons d’église. Lorsque je terminais la chanson, il voulait que je « bisse ». Et il me faisait « bisser » autant de fois, et quand j’étais fatiguée, je commençais à pleurer.

Mais, comment menez-vous vos études ? quel niveau scolaire avez-vous Annie ?
Je suis allée à l’école jusqu’en classe de seconde. Je faisais sténodactylographie. C’est ma mère qui m’y a encouragé, puisqu’elle était secrétaire de direction. Elle voulait que je sois comme elle. Je me souviens lors de la fête de la jeunesse, le frère ainé à ma mère, qui m’aimait beaucoup, m’a donné de l’argent pour payer la deuxième tranche de ma scolarité et en même temps, il y avait un concours de chant au collège .Moi, voulant être bien habillée je suis allée m’acheter une jolie robe.

Peut être que l’école vous ennuyait- elle beaucoup?
(Éclats de rire) C’est juste que je préférais chanter!

IL nous a été rapporté que parfois, jeune, vous chantiez dans la rue et très fort.
Je me souviens qu’une fois, je me baladais dans un lieu isolé, derrière la Cité verte. Et c’est ce jour que j’ai rencontré Roger Owona, le journaliste. Il s’est arrêté et a dit « Vous chantez bien hein ! ». Il m’a invité chez lui, dans sa chambre. A l’époque il était étudiant…

Pourquoi vous a-t-il invitée dans sa chambre, il voulait vous séduire ?
(Grimaçant) C’est quoi votre problème ? Non, il a tout simplement pris la guitare et a commencé à jouer du Pierre Akendengué. Il m’a demandé de chanter, ce que j’ai fait. Même si je ne connaissais pas les paroles. Quelques temps après, il y avait un concert à l’amphi 700. Il m’a cherché et ce fut mon premier contact avec le public.

En 1987, le célèbre Georges Seba est en tournée au Cameroun. Il recherche des choristes et vous allez postuler. Qui vous a permis d’avoir ce contact?

C’est Mebenga Sax ! Il travaillait à la CRTV. Il vient et il me demande d’aller à la garde présidentielle, à Ekounou, tout en espérant que, comme Georges Seba cherche des choristes, il pourra me recruter. J’arrive, il était vraiment en train de faire une sorte de casting et, dès qu’il m’a entendu chanter, il m’a retenu…

Il faut dire que vous n’aviez pas de bases dans la musique, vous chantiez de manière autodidacte n’ayant pas reçu de formation…
Oui, il n’y avait pas de structure de formation. Je me retrouve donc choriste de Georges Seba pour la tournée qu’il fera au Cameroun.

D’autres personnes l’ont-ils accompagné ?

Oui, les Zangalewa encore appelés les Golden Sound. A l’époque, ils étaient aussi membres de la garde présidentielle. Ils faisaient tous partie de la garde présidentielle, sauf le feu Kéro et moi. L’aventure se passe très bien jusqu'à ce qu’on se retrouve à Ebolowa, qui est le village de Georges. Alors, il y avait une telle effervescence, un monde fou. Georges étant tout trempé il ne pouvait plus continuer, il quitte la scène pour s’éponger. En partant il demande à Ze Bella de me faire chanter, mais celui ci hésite, estimant qu’on n’avait pas répété, je n’avais pas de répertoire avec eux .Georges voulait tout de même que je chante, le temps qu’il aille se mette à l’aise. Je décide d’interpréter une chanson de Anne Marie Nzié. Le public était fou de joie. Et il me demande même de recommencer plusieurs fois. C’est de cette manière que Georges dit au groupe de me garder parce qu’il savait que j’avais quelque chose… et cela n’a pas duré trois mois. Un beau jour, Ze Bella arrive à la maison pour m’annoncer qu’on avait trouvé un producteur, et il fallait que j’intervienne sur une chanson. Voilà comment il m’emmène à Ekounou chez Dooh, le bassiste barbu. Je trouve Kéro en train de jouer une mélodie, Ze avait déjà écrit les paroles en Béti. Il me montre, mais moi, je lui demande de me laisser essayer en ma langue. Ceci aboutit à «maladie difficile à soigner».

Un album qui a connu un grand succès…
Un grand succès. En 1989, on fait la tournée, je chante avec Mbilia Bell. Après on est allé au Zimbabwe avec Tshala Mwana, en Zambie et j’ai même diné avec Robert Mugabé. Ecoutez une histoire, voyez-vous, moi, la pygmée, je descends de l’avion, j’entre dans une limousine, j’ai un chauffeur qui porte des gants. Pendant ce temps, Ze Bella et les autres étaient dans un bus. Pendant qu’on est au salon d’honneur à l’aéroport, on me fait des interviews. J’étais à ce moment devenue la vraie star du groupe. J’ai entendu quelqu’un me dire, « you sing like Myriam Makeba ». Je ne comprenais rien du tout. Je me contentais juste de dire « Yes ». Le soir lorsque j’étais à mon hôtel à Lusaka je vois au journal mon interview qui passe à la télé.

En 1991, avec les Golden Sound qui étaient devenus les Zangalewa, vous faites l’album « Bébé ». L’album marche très bien. A quel moment l’aventure avec les Zangalewa s’achève et pourquoi ?
L’aventure s’achève parce que plus tard, nous allons au Togo, et là je me suis sentie blessée au plus profond de moi. Je ne peux pas dire exactement ce qui s’est passé par ce que ce n’est pas sain, mais quand je suis rentrée j’ai décidé de quitter le groupe et de partir de Yaoundé pour m’installer à Douala

Connaissez-vous des gens à Douala, ou aviez-vous l’intention de chanter dans des cabarets ?
Les cabarets avaient déjà beaucoup de chanteuses à l’époque. Je venais juste regarder. J’avais plus envie de créer…

Aviez vous déjà marre des groupes ?
Non, puisque lorsque je sors mon premier album solo Variations en 1994, j’invite tous les membres des Golden Sound. Seulement deux d’entre eux acceptent et leur producteur m’a dit que je n’avais pas le droit de sortir un album solo, puisque j’avais signé un contrat d’exclusivité avec les Zangalewa. Pourtant, je n’avais jamais signé de contrat avec lui et il ne m’avait jamais donné un centime.

Comment s’appelle t-il ce producteur ?
Je préfère ne pas citer son nom !

Comment réussissez-vous à produire votre deuxième album ?
Un jour en passant par la poste centrale à Douala je tombe sur une dame qui m’a reconnue et m’a avoué qu’ils sont en train de chercher des chanteuses. Elle m’a indiqué un lieu à Bonadibong, tout en me recommandant d’apprêter une maquette. J’étais dès cet instant très préoccupée, parce que je n’avais pas d’argent pour réaliser une maquette. Alors je fonce voir le feu Tom Yoms. Il était à l’époque à Akwa-nord. Il avait un home studio. On se met donc à faire ma maquette et au niveau du troisième ou du quatrième titre, un monsieur s’amène. Il s’appelle Peh Peh Daniel. Je crois qu’il était à l’époque le producteur de Papillon. Pendant qu’il écoute ma maquette, il demande à Tom qui je suis. Et sans même m’en parler, tous les deux décident qu’il va me produire. Peu de temps après, je me rends à Yaoundé pour enregistrer en studio…

Dans cet album vous avez repris une chanson d’Ekambi Brillant, Moussoloki. Comment cela s’est-il passé ?
(Surprise) Ce qui se passe est que, monsieur Peh m’approche et, après avoir écouté la maquette, il déclare qu’il manque quelque chose. Alors il revient avec un tas de cassettes d’anciens tubes et moi, j’ai craqué pour Moussoloki voilà comment je repars en studio pour y ajouter ce morceau.

Cela devient un peu le titre phare de votre album.
Il y avait cette chanson, mais aussi Kandanamè. Une chanson dont le refrain était repris par les enfants dans les écoles.

Alors Variations qui est votre premier album, le plus gros succès de l’année, n’y avait t-il pas de piraterie à l’époque ?
IL faut le demander au producteur !

Vous a-t-il donné de l’argent ?
Rien ! Même pas cinq francs !

Et Tom Yoms dans l’histoire, c’est lui qui vous aidé à rencontrer le producteur ?

Laissons son âme reposer en paix !

Que faites vous ensuite, parce que sur votre parcours de 1994 à 1998, il ya un petit vide. On sait que vous faites beaucoup de concerts, mais pas d’album.
Les concerts m’ont permis de vivre. J’ai été invitée plusieurs fois, surtout en Guinée Equatoriale. J’y allais tous les six mois. J’ai vécu des choses exceptionnelles là bas, des choses qui ne se racontent pas, mais se vivent.

Qu’est ce qui a séduit les Equato-guinéens dans votre album ?
Moi-même je ne saurai vous l’expliquer ! Mais, je crois surtout que c’est le pas de danse de Kandanamè.

En 1997, vous revenez au Cameroun. Vous commettez votre deuxième album, Visado...
En Guinée je me suis rendue compte que nous étions un même peuple. Pourquoi demander un visa pour y aller ? C’est pourquoi j’ai sorti Visado qui veut dire Visa en Espagnol. L’album marche très bien.

Qui vous produit cette fois ?
Binam productions... (rires)

Pourquoi riez vous Annie, avez-vous été roulée une seconde fois ?

Laissez seulement cette histoire mon frère.

Vous êtes à ce moment très inspirée. Un an après, vous sortez un troisième album, Kwassio. Qu’est ce que cela signifie ?
Kwasio veut dire chercheur d’ivoire ! En fait, je fais partie du peuple Kwasio, que l’on retrouve en Guinée, où on les appelle les Bisiyo. Au Gabon, on les appelle les Makina et chez nous, les Kwasio.

A quelle période décidez-vous de partir du Cameroun?
Vous voulez que je vous dise la vérité ? Je n’ai jamais eu l’intention de partir de mon pays. C’est la vie qui m’a joué de sales tours. Je pensais partir enregistrer un album et revenir. Mais arrivée En France, celui qui m’accueillait était mon producteur et même plus que ça…

Que représentait-il pour vous précisément ?

(Hésitations et sourires) vous comprenez ce que je veux dire. IL m’avait dit qu’il n’était pas marié. Donc, il me loge, à cinq minutes à pieds de chez lui. Il était marié à une Antillaise, et cette femme a commencé à me persécuter au téléphone. Elle a su, peut-être parce qu’il m’appelait de chez lui, de temps en temps. Elle s’est rendu compte. J’appelle une amie qui est à Montpellier. Elle me dit de prendre le train pour arriver chez elle. Je suis restée avec mon amie le temps d’attendre que l’album se fasse. Il s’agit de Visado .

On peut dire que c’est un mal pour un bien, car à Montpellier vous rencontrez l’amour…
Oui j’y ai rencontré un français qui était entrepreneur en Maçonnerie, il construisait des maisons. Quand on se rencontre il ne sait pas que je suis chanteuse. Je n’aime pas souvent mettre cela en avant je préfère qu’on apprécie la femme et la chanteuse après. Dès qu’il a découvert que j’étais chanteuse, il a changé complètement je me souviens qu’un jour un organisateur de spectacles m’appelle et ce dernier souhaitait m’inviter à Madrid et donc, mon mari a arraché le téléphone …

Étiez-vous déjà mariée avec ce monsieur ?

Oui ! Le spectacle se passait deux jours après. Le monsieur m’a envoyé un billet d’avion mais, mon mari a décidé de m’accompagner en voiture, soit plus de 2000 kilomètres jusqu’à Madrid. Il voulait être au centre de ma carrière et moi je désirais qu’il reste juste mon mari. Il ya quelque chose de drôle, c’est qu’on arrive à Madrid très tard et moi je devais chanter presqu’une heure après. L’impresario vient me voir dans la loge où nous étions installé, il discute avec moi pour savoir comment il devrait me présenter sur scène et là, mon mari réagit. Il voulait qu’on le présente aussi. Je n’y comprenais rien. Avant de monter sur scène, on m’avait remis de l’argent pour mon cachet et sur scène j’avais aussi reçu de l’argent. Tout ce que j’ai eu, je l’ai remis à mon mari. Plus tard, lorsque nous rentrions à Paris il a proposé de m’offrir un voyage de noces et il l’a financé avec mon argent.

Voulez vous dire que ce mariage qui était de prime abord une union d’amour s’est transformé en escroquerie ?
Souvent, les jeunes rêvent de trouver un mari blanc. Mais moi, je suis tombée sur un blanc vraiment pas blanc du tout !

Combien de temps dure votre mariage ?
Deux ans. Après je suis partie. Je ne voulais plus rester en France. J’étais très perturbée.

De retour au Cameroun, vous tombez sur un monsieur qui vous a permis de réaliser l’album Kwassio. Comment se passe votre rencontre ?
Il s’agit de M Wafo. La rencontre se passe à la nouvelle route Cité. Je n’habite pas loin de là. En allant faire mes courses, il y a une station à essence, je tombe sur le pompiste qui m’interpelle et me parle d’un homme d’affaires qui aimerait me produire. Alors le pompiste insiste parce que cet homme avait promis de lui donner 10.000 Fcfa, si jamais j’acceptais de donner mon numéro de téléphone. Ce que j’ai fait.

Avez-vous donné votre contact pour que le jeune homme évite de perdre 10.000 Fcfa, ou parce que vous souhaitiez absolument rencontrer cet admirateur qui voulait vous produire ?
Je pense un peu des deux. A vrai dire, on a coproduit. Parce qu’à l’époque il n’avait pas assez de moyens, mais, il avait beaucoup de volonté. Je me rappelle que c’est lui qui m’a appris à travailler avec de petits budgets.

Est-ce vrai qu’après, il vous a beaucoup aimé au point de devenir possessif et d’être gêné par votre passé?
Lorsque je m’installe avec lui, comme je suis un peu rêveuse. J’aime écrire de petites choses. Je possède des archives. Il trouve dans mes écrits le nom d’une personne que j’avais beaucoup aimée. Il s’est donc plaint et j’ai eu besoin d’écrire une chanson pour le rassurer. Je voulais lui dire qu’il oublie mon passé qu’il ne connait même pas. Cependant, je reconnais en lui beaucoup de valeurs. Je le respecte et je le respecterai toujours. C’est quelqu’un qui m’a trop soutenu, il respectait la chanteuse et la femme que je suis. Je pense qu’il m’aimait beaucoup mais il était très jaloux, au point de m’en rendre malade.

Ensemble, vous avez monté un projet de cabarets …
Oui, dès notre première rencontre, quand on avait discuté, il a évoqué la question de mes projets en dehors de la musique. Je lui ai dit que je voulais aller faire une formation en France pour pouvoir encadrer la jeune génération qui souhaite s’investir dans la chanson. Et j’ai ajouté que je voulais aussi avoir un cabaret pour mon épanouissement et recevoir mes amis artistes. Il m’a répondu qu’il devait m’offrir un cabaret et il l’a fait. Il a tenu à sa promesse j’ai eu le plus grand cabaret du Cameroun, qui s’appelait La Pêche. Pour ce projet, ce monsieur a dépensé près de 200 millions. Malheureusement, ça a marché, mais n’a pas tenu très longtemps, parce que cela a suscité les envies, les jalousies, des filles qui venaient… J’ai connu mon homme il n’avait pas grand-chose on s’est aimés, je l’ai beaucoup aimé et jusqu'à présent, il n’a pas de rival.

Quelle est la raison qui a brisé votre couple ?
Je le disais tantôt, ce sont les jalousies. Je me souviens qu’il y a des filles qui venaient en disant « je cherche le mari d’Annie Anzouer ». Tout cela, parce qu’il a de l’argent.

Est -ce pour cela que vous allez faire votre album en 2004 Si Mayala, pour faire taire les ragots ?

Non, je ne suis pas comme ça. Je fais l’album en 2004, nous sommes encore ensemble. Nous devions aller en France ensemble. Mais, à la dernière minute, il m’a dit « vas, je te rejoins en France dans deux semaines ». J’y ai passé neuf mois, il n’est jamais venu. Mais à chaque fois, il me disait de rester là bas. Une autre petite avait déjà récupéré mon dossier (éclats de rire).

Quand vous parlez de votre « Héros Bandjounais» dans l’une des chansons, est-ce à lui dont vous faites allusion.

Oui !

Que voulez vous dire dans cette chanson ?
Quand je termine cet album, Mon héros ne fait pas partie des chansons de l’album. Je lui envoie une copie de l’album. Il écoute, mais se plaint du fait que je cite tout le monde dans les chansons, sauf lui. Alors je pique une grande colère, tout en lui demandant si nous sommes ensemble parce que je dois le citer dans mes chansons. Enervée je raccroche le téléphone. Lorsqu’il a rappelé, il s’est mis à pleurer au téléphone. J’étais bouleversée. Je suis rentré à l’hôtel et vers cinq heures du matin, des heures où habituellement je suis inspirée, j’ai trouvé la mélodie, puis les paroles sont venues toutes seules. J’ai couru le matin dans une cabine pour l’appeler. Il a aimé puis, m’a envoyé de l’argent pour rentrer en studio l’enregistrer.

A quand le prochain album ?
Le prochain album sera disponible dans quelques semaines. Je suis en train d’organiser la promotion avec mon entourage. Grâce à Dieu, vous l’aurez bientôt. Je l’ai fait, je n’avais pas un seul sou, mais certaines personnes étaient là, pour moi. Mes filles Sahel, Gaëlle Wondje, Castro Epanya. Je leur dis merci. Je sais que ça va être un beau cadeau cet album. Je vous dis merci à vous aussi d’avoir pensé à moi. Parfois, j’ai envie de me décourager. Mais, ce sont toujours les fans qui me donnent la force. Et à eux, j’ai envie de leur dire : « vous êtes ma nourriture».